NOËL
L’Eglise primitive ne connaissait qu’une grande fête : Pâques dans sa célébration hebdomadaire, le dimanche, et annuelle. C’est au cours du IV ème siècle qu’apparut à Rome une fête de la Nativité du Seigneur.
L’apparition de la fête de Noël trois siècles après l’événement qu’elle célèbre n’est pas due à une soudaine découverte de la date exacte de la naissance de Jésus. Cette date, personne ne la connaît et les récents calculs des spécialistes tendent à prouver que Jésus n’est même pas né en l’an zéro, mais en l’an -6 ... avant Jésus-Christ.
En réalité, si nous fêtons la naissance de Jésus le 25 décembre, c’est parce que les chrétiens du IV ème siècle, voulant lutter contre les restes du paganisme, ont trouvé qu’il serait bien de remplacer la fête du Soleil invaincu, le sol invictus, au solstice d’hiver, c’est-à-dire au moment où le soleil commence à renaître, par la célébration de la naissance de Celui que Saint Luc appelle « le soleil levant venu d’en haut » (Lc 1,78). Cette fête avait lieu le 25 décembre, à Rome, et le 6 janvier en Egypte. Il ne restait plus à l’Occident qu’à prendre l’Epiphanie aux Orientaux, et aux Orientaux qu’à prendre le Nativité aux Occidentaux.
Nous sommes loin de cette opération culturelle par laquelle une fête païenne fut christianisée. Il semble même qu’aujourd’hui ce soit le contraire qui se passe : la fête chrétienne est "repaganisée"! C’est, pour nous, une raison de plus de nous dire le sens premier de la fête de Noël.
Il n’est pas question de vouloir supprimer la part importante de douceur et d’attendrissement dont Noël s’est entouré au cours des siècles. Mais il est nécessaire de ne pas nous en contenter. Sous les aspects affectifs de la fête, c’est bien le mystère du Verbe incarné qui est célébré, le mystère du Fils de Dieu « manifesté dans la chair » (1 Tim 3,16). Voilà pourquoi le Noël des Occidentaux et l’Epiphanie des Orientaux sont une même fête : Epiphanie, en grec, signifie « manifestation ».
Tel est le mystère de la manifestation du Seigneur que nous célébrons à Noël; il n’aboutit pas à l’enfant Jésus, il s’y arrête encore moins. Il part de lui, en effet, pour faire la découverte du dessein d’amour et de salut que nous révèle le Père en nous envoyant son Fils.
Mais le mystère de Noël, c’est encore ceci qui renforce l’idée qu’il ne faut pas s’arrêter à l’enfant mais partir de lui. « Quel échange admirable : le Créateur de l’homme, en prenant chair de la Vierge Marie, nous donne part à sa divinité. »
Saint Athanase, le grand évêque d’Alexandrie, le disait dans une formule encore plus concise, à l’époque où, dans son pays, les chrétiens changeaient la fête païenne du solstice d’hiver du 6 janvier en fête de l’Epiphanie du Seigneur : « Le Fils de Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit divinisé. »
En fin de compte, jamais notre destin ne nous est mieux révélé que lorsque nous nous penchons avec émerveillement sur l’enfant de la crèche.